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MiCA : un passeport vers le marché européen des services crypto pour les banques

Au sein de l’Union européenne, le règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets) vise à réguler de manière harmonisée l’ensemble des activités liées aux cryptoactifs. Dans ce cadre, les acteurs bancaires peuvent désormais obtenir l’agrément de prestataire de services sur cryptoactifs via une procédure simplifiée de notification auprès de leur régulateur (l’ACPR en France) afin de fournir des services sur cryptoactifs dans les États membres. Première banque française à avoir obtenu la notification MiCA en octobre 2025, Delubac & Cie s’est, pour cela, fait accompagner par le groupe De Gaulle Fleurance. Comment s’est déroulée cette procédure ? Quels sont les avantages de cette notification ? En quoi permet-elle, plus largement, un passage à l’échelle européenne dans le secteur des cryptoactifs ? Réponse avec Anne Maréchal, avocate-associée au sein de De Gaulle Fleurance et, auparavant, directrice des affaires juridiques de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF).

Anne Maréchal
Avocate-associée au sein de De Gaulle Fleurance

Pour commencer, pouvez-vous nous résumer votre parcours ?

A.M. : J’ai débuté ma carrière comme haut-fonctionnaire au ministère de l’Économie et des Finances avant de pratiquer le droit boursier et financier dans d’importants cabinets d’avocats français et anglo-saxons. J’ai rejoint l’Autorité des Marchés Financiers en 2014 en qualité de directeur des affaires juridiques où j’ai, notamment, participé à l’élaboration de la loi PACTE[1] sur les cryptoactifs, premier cadre législatif et réglementaire au monde dans ce secteur en 2018. Il s‘agissait à la fois de protéger les investisseurs et de favoriser l’innovation de la blockchain en apportant une sécurité juridique dans ce nouvel écosystème. Cette loi a notamment créé en France le statut de prestataire en services sur actifs numériques (PSAN) qui a directement inspiré le statut de prestataire de services sur cryptoactifs (PSCA) prévu par le règlement européen MICA. L’obtention obligatoire de ce statut régulé depuis le début 2025 permet aux acteurs de fournir des services sur cryptoactifs comme la conservation, l’achat-vente, l’échange, le conseil ou la gestion pour compte de tiers dans toute l’Union via le passeport européen. Forte de cette expérience, j’ai rejoint en 2022 De Gaulle Fleurance avec une double expertise en droit financier et dans la réglementation des cryptoactifs. Au quotidien, j’accompagne ainsi des entreprises françaises et étrangères, des start-ups et des institutions financières dans l’obtention des agréments ou autorisations requis pour développer leurs activités dans les cryptoactifs et leurs projets dans les applications de la blockchain.

Vous avez mentionné le règlement MiCA, de quoi s’agit-il ?

A.M. : Le règlement européen MiCA (Markets in Crypto-Assets) a pour but de créer un cadre réglementaire complet et harmonisé pour les cryptoactifs au sein de l’Union européenne tout en protégeant les investisseurs et en favorisant l’innovation dans ce secteur. Depuis son entrée en application en deux temps, le 30 juin 2024 d’abord pour l’encadrement des stablecoins puis le 30 décembre 2024 pour les prestataires de services sur cryptoactifs (PSCA), les acteurs qui souhaitent proposer des services sur des cryptoactifs dans l’Union européenne ou émettre des stablecoins doivent obtenir, au préalable, un agrément auprès de l’autorité nationale compétente comme émetteur de monnaie électronique ou PSCA, auprès de l’AMF ou de l’ACPR en France. Ces agréments sont obligatoires et viennent remplacer les dispositions de la loi PACTE (enregistrements et agréments PSAN).

2 minutes pour comprendre l’impact du règlement européen MiCA sur le marché des cryptoactifs

La Banque Delubac & Cie est la première à avoir reçu l’autorisation de fournir des services crypto : quel a été votre rôle ?

A.M. : La procédure MiCA est très exigeante. Pour chacun des services sur cryptoactif qu’il est prévu de proposer, les acteurs doivent présenter des garanties importantes, tant en termes de fonds propres et d’organisation que de règles de bonne conduite à respecter. Par exemple, ils doivent fournir la preuve de leur capacité à détenir séparément leurs cryptoactifs et ceux de leurs clients sur la blockchain dans le cadre de ce qu’on appelle la règle de ségrégation des actifs.

Quand la Banque Delubac & Cie m’a demandé de les accompagner pour obtenir l’autorisation de fournir des services sur cryptoactifs, nous avons dû par conséquent réunir une documentation importante pour l’ensemble des services demandés. Néanmoins, le règlement MiCA prévoit dans son article 60 une procédure spécifique et simplifiée pour les institutions financières ou bancaires qui doivent déposer cette demande d’agrément auprès de leur régulateur et non devant l’AMF. En effet, les banques sont déjà fortement régulées. Elles sont donc dispensées de fournir dans le cadre de cette demande d’agrément toute une série de documents de nature prudentielle pour l’essentiel. Cela nous a permis de monter le dossier et d’obtenir l’autorisation de fournir des services sur cryptoactifs à la fois en France et dans l’ensemble des États membres en moins de six mois : une belle performance ! Sans compter que Delubac & Cie étant la première banque française à s’engager dans cette voie nouvelle, il a fallu beaucoup échanger avec l’ACPR[2] et l’AMF pour s’assurer que la documentation produite était en phase avec les exigences du règlement MiCA.

Pourquoi l’autorisation MiCA est-elle, à ce jour, l’une des plus exigeantes à obtenir pour une banque et notamment en France ?

A.M. : Au-delà des garanties demandées dans de nombreux domaines (lutte contre le blanchiment, transparence, cybersécurité, ségrégation des actifs, etc.), les banques doivent être en mesure d’expliquer concrètement comment elles vont gérer les cryptoactifs en fournissant des schémas de flux très précis. Cela passe par la rédaction de politiques très détaillées pour chaque type de service sur cryptoactif proposé – des politiques qui doivent être opérationnelles et adaptées à chaque modèle. Aujourd’hui, cela nécessite des compétences pointues à la fois en droit financier et en droit des cryptoactifs ainsi qu’une bonne compréhension opérationnelle de la blockchain. Pour vous donner un exemple, si une banque souhaite développer un service d’achat et de vente de cryptoactifs, elle doit rédiger une politique de best execution qui garantit à l’investisseur que tout a été mis en œuvre pour exécuter son ordre dans les meilleures conditions, soit au meilleur prix à l’instant T. Plus largement, le développement d’une offre crypto implique d’avoir des moyens humains, technologiques et financiers solides. En tant que banque pionnière dans le secteur des cryptoactifs, Delubac & Cie possède en cela un avantage certain avec une équipe compétente et une activité éprouvée sur la blockchain. En outre, avoir obtenu cette autorisation auprès des régulateurs français est aussi un gage de sérieux et d’expertise. À l’inverse, certains acteurs regrettent aujourd’hui d’avoir obtenu cet agrément dans des conditions laxistes dans certaines juridictions. Cela a entraîné une levée de bouclier des régulateurs européens pour que le même niveau d’exigence soit appliqué dans l’étude des dossiers avec des contrôles à venir pour s’en assurer.

Groupe De Gaulle Fleurance
Créé en 2001 en France, le groupe indépendant De Gaulle Fleurance est un acteur majeur du droit des affaires qui réunit deux cents professionnels dédiés à l’accompagnement des entreprises et acteurs publics sur les métiers du conseil et du contentieux. Il se distingue également par sa capacité à anticiper les tendances du marché et à accompagner les grandes transformations. Précurseur sur le sujet de la transition énergétique, le groupe est aussi devenu une référence incontournable pour les acteurs mondiaux de la finance on chain en les aidant à développer leurs activités crypto et à assurer la conformité réglementaire de leurs projets de tokenisation.

Quels services crypto la banque Delubac & Cie est-elle autorisée à fournir ?

A.M. : La Banque Delubac & Cie a obtenu l’autorisation de fournir sept des dix services crypto couverts par le règlement MiCA en France et dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne. Dans le détail, ces services concernent :

  • la conservation sécurisée de cryptoactifs pour le compte de clients ;
  • le trading de cryptoactifs : achat, vente et échange dans un cadre régulé ;
  • la gestion sous mandat pour le compte de tiers qui délèguent la gestion de leur portefeuille crypto ;

Enfin, je comprends que la banque proposera aussi des services avancés comme le staking, la tokenisation d’actifs ou encore des solutions sur mesure selon les besoins de leurs clients.

Delubac & Cie : la 1ère banque française à obtenir l’agrément MICA
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Quels sont les avantages pour Delubac & Cie d’être la première banque française autorisée à fournir ces services ?

A.M. : C’est un avantage concurrentiel certain et, au-delà, un gage de confiance indéniable auprès des clients et prospects. Contrairement à d’autres banques qui n’ont pas encore développé d’offre de services sur cryptoactifs ou qui prennent seulement le train en marche, la Banque Delubac & Cie réaffirme avec cette autorisation MiCA son rôle pionnier dans ce domaine. Si, comme je le considère, les technologies de la blockchain constituent un tournant majeur dans le monde de la finance, elle va également bénéficier d’une longueur d’avance sur le marché européen et international face à des acteurs qui n’ont pas encore été autorisés à fournir des services équivalents. Enfin, avoir demandé une autorisation pour sept des dix services couverts par MiCA est aussi un avantage car cela permet à la Banque de fournir à ses clients un point d’entrée unique vers une offre crypto complète. En ayant développé des compétences dans ce domaine et obtenu l’agrément PSCA pour elle-même, la banque pourra aussi délivrer ces services directement à ses clients sans passer par des intermédiaires ou partenaires coûteux.

Plus largement, quel sera selon vous l’impact du règlement MiCA dans le secteur des cryptoactifs ?

A.M. : L’entrée en vigueur du règlement MiCA a fait résolument entrer les services sur cryptoactifs dans un monde régulé en Europe comme à l’international. Le choix de la régulation confère un avantage concurrentiel décisif. En effet, les fonds d’investissement ne veulent plus investir dans des acteurs non régulés ou qui ne sont pas en passe de l’être et les investisseurs ne devraient plus aujourd’hui risquer leur argent sur des plateformes non agréées. Il devrait en résulter un assainissement du marché et une baisse de la fraude. On peut aussi anticiper une concentration des acteurs de la crypto car seuls les mieux armés pourront obtenir ces agréments exigeants.

En outre, j’observe dans ma pratique une véritable convergence entre le monde de la finance traditionnelle et celui de la finance on chain : les acteurs de la blockchain que j’accompagne demandent de plus en plus souvent des agréments bancaires et les banques ou institutions financières des autorisations MiCA. Cette tendance s’accentue aussi au regard des possibilités ouvertes par la blockchain comme celle de pouvoir tokeniser des instruments financiers en application du Régime Pilote européen. Demain, des plateformes d’investissement vont permettre d’acheter et de vendre directement des actions sur la blockchain à des coûts réduits, en toute sécurité et sans intermédiaire pour le règlement et la livraison des titres tout en proposant une offre de services sur cryptoactifs. En d’autres termes, nous sommes à l’aube d’une vraie révolution du monde de la finance et les banques doivent s’y préparer en suivant l’exemple de Delubac & Cie !

[1] Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises.
[2] L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution est chargée de la surveillance de l’activité des banques et des assurances en France.