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Le repreneuriat : un levier au service de l’économie française

D’après une étude de la Fondation Entreprendre, plus de 700 000 entreprises seront à reprendre dans les dix prochaines années en France. Des entreprises qui, par leur savoir-faire, les milliers d’emplois qu’elles créent et leur ancrage local participent au dynamisme et à l’attractivité des territoires. Mais en quoi consiste le repreneuriat ? Quels sont les avantages et les freins par rapport à la création d’entreprise ? Et quels acteurs peuvent accompagner les repreneurs ? Réponses avec Romain Pommerolle, co-auteur avec Sébastien Cerise du livre Se lancer dans le repreneuriat (Dunot, 2024).

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire un livre sur le repreneuriat ?

R.P. : Ce livre est avant tout issu d’un constat : le repreneuriat répond à un besoin essentiel en France mais reste peu connu. Quand on aborde le sujet de la reprise d’entreprise, on s’imagine qu’il faut s’entourer d’une armée d’avocats, se lancer dans des années de négociation, s’y connaître en finance, emprunter de l’argent ou avoir nécessairement un apport personnel. Or, il n’en est rien. Le repreneuriat, c’est beaucoup de relationnel et quelques compétences techniques mais rien d’insurmontable pour peu qu’on soit bien informé. C’est l’objectif de notre livre : proposer une méthode pour faciliter, pas à pas, la reprise d’entreprise en nous basant sur notre propre expérience. Avec Sébastien, nous avons repris plus d’une dizaine d’entreprises au cours des dix dernières années. Le marché est dynamique mais la clé de la réussite, c’est surtout d’être passionné par ce que l’on fait !

Quelles entreprises peuvent-être ciblées par le repreneuriat ?

R.P. : La méthode que nous proposons cible des entreprises saines qui réalisent entre un et dix millions d’euros de chiffre d’affaires par an et non des entreprises en liquidation pour lesquelles la procédure est différente. Sous un million d’euros de chiffre d’affaires, on trouve principalement des entreprises sans employés, où l’activité repose sur les épaules du fondateur. Quand celui-ci prend sa retraite, on se heurte donc à une perte de savoir-faire que le repreneur ne peut compenser. Au-delà de ce seuil, les entreprises ont en revanche des salariés et peuvent continuer à fonctionner normalement en cas de reprise. Enfin, quand on dépasse les dix millions d’euros de chiffre d’affaires, le processus de cession fait intervenir des montages financiers plus complexes, comme des opérations de M&A, qui ne sont pas à la portée de tous.

La question de la localisation est également à prendre en compte dans la démarche de repreneuriat, le marché étant plus concurrentiel dans les grandes villes et la capitale que, par exemple, dans des zones rurales. Or, les entreprises présentes sur ce territoire participent directement à son dynamisme en créant de l’emploi, en attirant des familles et donc en permettant la création d’écoles, de magasins et d’infrastructures. Elles font vivre l’économie locale, d’où l’importance de les sauver !

Pourquoi le nombre d’entreprises en situation de rachat est-il aussi élevé en France et quels sont les impacts ?

R.P. : Pour une raison simple : nous connaissons depuis plusieurs années un papy-boom qui se traduit par une augmentation du nombre de départ à la retraite, y compris chez les dirigeants d’entreprises. Or, 50 % des entreprises en situation de rachat ne trouvent pas de repreneur en France. Concrètement, cela engendre des fermetures, des destructions d’emplois et la perte de milliards d’euros d’actifs chaque année. Pour y remédier, il faut évidemment communiquer davantage sur le repreneuriat pour attirer des acquéreurs potentiels. Et, du côté des entreprises, anticiper la reprise et la préparer pour qu’elle se déroule dans les meilleures conditions possibles.

Comment se lancer dans le repreneuriat, quelles sont les étapes clés ?

R.P. : Tout d’abord, il faut se former et s’informer sur ce processus pour en maîtriser les différentes étapes. Il existe pour cela des associations, comme le CRA, qui aide les repreneurs, et de la littérature spécialisée. Ensuite vient l’étape du sourcing. On peut s’appuyer pour cela sur son réseau et sur des sites spécialisés, comme Transentreprise, qui publient les annonces d’entreprises à reprendre. La bonne marche à suivre est de raisonner au niveau local puis d’élargir progressivement son périmètre géographique. Une fois une entreprise intéressante trouvée s’ouvre une période durant laquelle le repreneur va à la fois réaliser une analyse financière et multiplier les rendez-vous avec le dirigeant pour échanger sur ses attentes. Le relationnel est capital car on ne cède pas une entreprise à une personne que l’on n’apprécie pas.

Pour entrer dans le détail de l’analyse financière, on va s’intéresser aux bilans, aux comptes de résultat et à la trésorerie nette de dette pour déterminer la valeur d’une entreprise. Il existe des logiciels pour cela et l’on peut, bien sûr, se faire accompagner par des experts-comptables et des avocats en droit des affaires. Ces données permettent d’élaborer un plan de reprise en projetant une augmentation minime du chiffre d’affaires les premières années, l’enjeu étant de rester le plus réaliste possible tout en anticipant des imprévus.

En tout, il faut donc compter six mois au moins entre le sourcing et la cession de l’entreprise. Celle-ci peut se faire de différentes manières comme l’achat d’actifs, le rachat de parts sociales, la donation via une holding… qui dépendent de la typologie de l’entreprise et des aspirations du vendeur.

Quels sont les principaux avantages du repreneuriat par rapport à une création d’entreprise ?

R.P. : Selon moi, c’est aussi plus simple, plus utile et moins risqué que de créer une entreprise car on reprend un savoir-faire, des processus, des capitaux, une base clients, une réputation et une relation avec des fournisseurs déjà installés. Dès le premier jour de la reprise, l’entreprise génère un chiffre d’affaires et le nouveau patron peut aussi se dégager un salaire, ce qui n’est souvent pas le cas avant plusieurs années quand on en crée une. L’entreprise possède en outre une antériorité, ce qui est un avantage pour présenter par exemple des bilans financiers à une banque pour l’octroi d’un prêt. En revanche, le repreneur est confronté à d’autres défis comme réussir à se faire une place et à acquérir une légitimité auprès des salariés en participant à l’effort collectif.

À l’inverse, quels sont les freins au repreneuriat et comment les dépasser ?

R.P. : Côté repreneur, le premier frein est d’ordre psychologique. On se dit que le repreneuriat n’est pas pour soi, qu’il nécessite des compétences techniques et une formation poussée en finance ou qu’il faudra travailler 80h/semaine – ce qui n’est pas le cas. Les repreneurs peuvent se faire aider par de nombreux acteurs comme la BPI et les CCI, les banques qui sont des partenaires de premier plan, les régions, les départements et même l’Union européenne qui peuvent fournir des subventions. L’essentiel est de trouver des interlocuteurs qui comprennent bien nos problématiques et celles du territoire.

Le sourcing peut aussi être complexe car les entreprises à reprendre restent souvent discrètes par crainte que cette information ne nuise à leur activité. Mais le principal frein, selon moi, c’est le manque d’anticipation des entreprises et une tendance, pour des dirigeants qui y ont consacré toute leur vie, à les surévaluer. Pour faciliter le processus de transmission, elles peuvent notamment se préparer sur le plan juridique, regrouper tous les documents utiles à l’analyse financière, mettre en place une structuration qui permette à l’entreprise de poursuivre son activité après le départ à la retraite du dirigeant et, évidemment, avertir suffisamment en amont les salariés.

La méthode que vous proposez dans votre livre permet de reprendre une entreprise sans apport personnel : comment est-ce possible ?

R.P. : Sans apport personnel ne veut pas dire sans argent au moment du rachat. Il existe pour cela de nombreux montages qui permettent de financer la reprise d’une entreprise, parmi lesquels :

  • La dette senior et la dette mezzanine avec des émissions d’obligations. Celles-ci ne sont plus l’apanage des grandes entreprises mais ont été démocratisées par la finance participative avec la création, notamment par l’AMF, d’une homologation permettant de lever de l’argent auprès de petits investisseurs sans frais de structure.
  • Le financement bridge, un financement à court-terme octroyé par une banque pour répondre à un besoin ponctuel et urgent de trésorerie ;
  • Le paiement comptant différé, qui permet à l’acheteur de régler la somme due à une date ultérieure à la signature en utilisant, par exemple, un excédent de trésorerie ;
  • Le refinancement d’actifs, également appelé lease-back. Si l’on possède des machines, on peut par exemple les vendre puis les louer pour dégager rapidement de la trésorerie ;
  • Le crédit-vendeur, qui est une offre de paiement échelonné d’une partie du montant de la cession faite par le cédant. Celui-ci accorde ainsi des facilités de paiement au repreneur pour boucler le financement de son projet ;
  • Le LBO, un montage financier permettant le rachat d’une entreprise via une holding et qui est, en outre, garanti à 70 % par la BPI ;

En conclusion, qu’aimeriez-vous dire à de potentiels repreneurs ?

R.P. : N’ayez pas peur d’entreprendre ! Si vous avez le sens du relationnel, une capacité d’adaptation et beaucoup d’ouverture d’esprit, le repreneuriat vous réserve de belles opportunités.

portrait Romain Pommerolle
Biographie
Romain Pommerolle est un entrepreneur passionné par l’innovation et la création de valeur, il se consacre à l’identification et au développement d’opportunités d’investissement dans le secteur digital. Son expertise s’étend de la reprise d’entreprises traditionnelles à la transformation digitale, en passant par l’investissement dans les technologies émergentes.