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Le recouvrement de créances, un métier vital pour l’économie française

Essentiel à la vie des entreprises, le recouvrement de créances pâtit parfois d’une image réductrice – à tort. Protéiforme, cette activité est exercée par une diversité d’acteurs qui œuvrent au quotidien pour fluidifier les échanges et la compétitivité des entreprises, en faisant respecter des principes de droit et d’éthique. Rencontre avec Sébastien Bouchindhomme, Délégué général de la Fédération nationale de l’Information d’Entreprise, de la Gestion de Créances et de l’Enquête Civile (FIGEC).

Quel est le rôle de la FIGEC ?


S.B. : La FIGEC est une organisation professionnelle créée en 1936 qui fédère les entreprises de la gestion du risque client (grands groupes, ETI, PME, TPE, start-ups et filiales bancaires). Elle compte une centaine d’adhérents et représente plus de 97 % de la profession dans trois domaines d’activité : l’information d’entreprise, la gestion de créances et l’enquête civile. Pour chacun de ces métiers, la FIGEC représente les intérêts de ses adhérents, les défend et les accompagne au quotidien en leur offrant des services (conseil, formation, partenariat, aide…) et une vision prospective. En parallèle, la FIGEC gère aussi la convention collective du personnel de la Branche des prestataires de services du secteur tertiaire et négocie, à ce titre, avec les organisations syndicales, l’ensemble des sujets sociaux, comme les minimas salariaux, la prévoyance, la santé, le handicap, l’égalité femmes/hommes ou encore la formation.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les trois métiers de la FIGEC ?


S.B. : Dans le détail, le métier des sociétés spécialisées en information d’entreprise, de solvabilité et de prévention de défaillance est de collecter, analyser, fiabiliser et rendre exploitables les données issues de multiples sources pour aider les acteurs économiques à prendre des décisions éclairées de crédit. Ce faisant, leur activité contribue à sécuriser le crédit inter-entreprises, à réduire les délais de paiement et, par extension, à soutenir la croissance et le développement durable des entreprises.

La seconde activité de la FIGEC concerne les sociétés de médiation financière qui exercent une activité de recouvrement auprès des particuliers et des entreprises pour le compte de tous les acteurs de l’économie et tous les secteurs d’activité (fournisseurs de biens et de services divers, fournisseurs d’énergie, de téléphonie, transporteurs, banques et établissements financiers, assureurs…). Certaines de ces sociétés, agréées par l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution), se sont spécialisées dans l’acquisition de portefeuilles de créances cédées le plus souvent par des établissements financiers et en assurent ensuite le recouvrement pour leur propre compte.

Enfin, le dernier métier de la FIGEC est l’enquête civile. Il rassemble des sociétés agréées par le Conseil National des Activités Privées de Sécurité qui fournissent une offre de service permettant à leurs clients de localiser leurs débiteurs disparus et d’étudier leur environnement économique. Cette activité répond également à des besoins comme la déshérence des contrats d’assurance vie, les comptes bancaires inactifs et les plis non distribuables.

Quel est l’impact des retards de paiement pour les entreprises françaises ?


S.B. : En France, les délais de paiement restent une préoccupation majeure pour nombre d’entreprises. C’est même un enjeu national !

Les entreprises françaises sont fragilisées par des retards de paiement qui affectent directement leur trésorerie et augmentent de 25 % la probabilité de défaillance.

C’est pourquoi notre Fédération est une véritable vigie de l’économie française pour apprécier le risque principal qui pèse sur les entreprises comme sur l’ensemble des débiteurs dans ce contexte exceptionnel de défaut de paiement et de défaillance. Rien qu’en 2024, la France a atteint un seuil historique de faillites avec près de 68000 défaillances d’entreprises. Pourtant, le délai légal de paiement des factures est défini par le Code de commerce et le Code de la commande publique. Généralement, celui-ci est de 30 jours après la réception des produits ou la réalisation de la prestation de service. Ce délai peut être étendu à 60 jours à compter de la date d’émission de la facture ou 45 jours à la fin du mois – voire plus – si cela est convenu entre les parties et expressément stipulé dans le contrat. Mais dans les faits, la situation est tout autre. On parle alors de crédit inter-entreprises pour désigner le « crédit » que les entreprises s’accordent entre elles par le biais de délais de paiement supérieurs au délai légal. Or, celui-ci s’élève à près de 800 milliards d’euros en France, ce qui représente un tiers du PIB français. En outre, 56 milliards d’euros passent chaque année en perte pour créances impayées, privant l’État de rentrées fiscales liées à la TVA tout en menaçant près de 300 000 emplois. Le sujet est complexe et en définitive il ne faut pas confondre délai de paiement et retard de paiement !

Comment la FIGEC se mobilise-t-elle pour répondre à l’enjeu des délais de paiement ?


S.B. : En plus de sensibiliser les acteurs économiques et politiques sur l’utilité économique de nos activités (cf. question suivante), nous avons repris en 2018 les Assises des délais de paiement et des financements aux côtés de l’AFDCC (Association Française des Credit Managers & Conseils). L’objectif est de travailler sur l’enjeu national que représente le respect des délais de paiement à travers des événements régionaux, nationaux et des émissions TV qui permettent notamment de faire de la pédagogie sur ce sujet stratégique. Nos prochaines Assises auront d’ailleurs lieu le 17 octobre 2025 à la Banque de France et permettront de confronter les points de vue d’une diversité d’intervenants issus du secteur privé et public. Avec, comme ambition, d’apporter des réponses concrètes à leurs problématiques et de valoriser les bonnes pratiques. D’autre part, les Assises des délais de paiement et des financements permettent aussi de dresser, année après année, un état des lieux des comportements de paiement. On s’aperçoit par exemple que si les retards de paiement ont diminué avant la crise de la Covid-19, ils sont depuis repartis à la hausse en raison de la fin des aides d’État et d’un contexte géopolitique et économique très tendu.

Pouvez-vous nous en dire plus sur l’activité de défense des entreprises menée par la FIGEC ?


S.B. : La défense de nos entreprises est une activité essentielle. Bon nombre de réglementations sont en effet adoptées par les législateurs au niveau européen et français. À la FIGEC, nous suivons de très près les évolutions réglementaires et intervenons, quand il le faut, auprès des représentants de l’État afin de défendre les intérêts de nos adhérents dans de nombreux domaines. Ont par exemple été obtenus, ces dernières années, l’accès au registre des Bénéficiaires Effectifs et un accès « réservé » à tous les comptes des entreprises, y compris celles ayant opté pour l’option de confidentialité de leurs comptes. En outre, la FIGEC est membre de la FENCA (Federation of European National Collection Associations) et de la FEBIS (Federation of Business Information Services) qui représentent toutes deux les intérêts européens du secteur de la gestion du risque client et dans lesquelles nous nous investissons beaucoup.

Pourquoi avoir créé Place Escange, un think tank dédié au patrimoine immatériel des entreprises et aux risques qui y sont associés ?


S.B. : Pour vous répondre, j’aimerais d’abord partager trois données :

  • environ 80 % du risque des entreprises est immatériel ;
  • 80 % des entreprises ayant perdu leurs données informatiques à la suite d’une cyberattaque font faillite dans les 12 mois ;
  • 75 % des procédures collectives se concluent directement par une liquidation judiciaire.

Cela signifie qu’aujourd’hui la solidité d’une entreprise dépend d’actifs intangibles comme la gestion des créances et des délais de paiement, la réputation, la cybersécurité, la RSE, la gestion des flux d’information, la gestion de la donnée ou encore l’éthique, la gouvernance et la santé des collaborateurs. Autant de thématiques qui s’accompagnent de nouveaux risques, à l’instar des cyberattaques. Dans un contexte d’intenses mutations, avec l’arrivée massive de l’intelligence artificielle qui va révolutionner tous les secteurs d’activité, nous avons donc souhaité créer ce think tank pour mener des réflexions prospectives sur l’évolution et le changement du patrimoine immatériel des entreprises et les risques qui y sont associés. L’objectif de Place Escange est également de sensibiliser les sphères publiques et privées à ces risques et d’apporter des solutions concrètes pour les anticiper et y faire face. Pour cela, nous nous appuyons sur un comité de membres d’honneur composé de quelques anciens ministres, sur un conseil scientifique et un comité d’experts aux profils très variés : économistes, chercheurs, universitaires, praticiens, chefs d’entreprises et hauts fonctionnaires, tous spécialistes du patrimoine immatériel sous toutes ses formes et des risques associés. L’idée est en effet de croiser les regards et les expériences pour s’inspirer, réfléchir autrement et animer un débat sur l’ensemble des sujets couverts par la gestion du risque.

Le point de vue de Benjamin Girard, Président de DeluRec

Quel est l’apport de la FIGEC pour votre activité ?

B.G. : DeluRec a rejoint la FIGEC en 2023. Cette fédération nous permet de nous sentir représentés et défendus dans nos intérêts professionnels auprès de l’État et des organisations patronales. La FIGEC est aussi partenaire du sommet NPL Europe, dédié aux prêts non-performants, c’est-à-dire des prêts pour lesquels l’emprunteur n’est pas en capacité de rembourser son emprunt dans les conditions prévues. C’est un sujet d’attention pour les banques qui doivent maintenir les NPL (non-performing loans) à un niveau inférieur à 5 % de l’encours total des prêts car ils réduisent leur rentabilité. L’édition 2025 de ce sommet, à laquelle nous avons participé, a en cela permis d’échanger avec de nombreux acteurs (fonds d’investissement, entreprises de recouvrement…) au niveau européen et donc de découvrir comment cet enjeu est abordé dans d’autres pays pour s’en inspirer. Au sein de la FIGEC, il existe également des groupes de travail thématiques qui sont, pour nous, l’occasion d’échanger sur le recouvrement de créances et de remonter des problématiques. Enfin, en adhérant à la FIGEC, nous respectons une charte de déontologie qui a été co-construite avec l’ensemble de ses membres. C’est une démarche positive qui met en avant les bonnes pratiques à suivre pour exercer notre métier dans le respect des clients, des débiteurs, des salariés et des entreprises.

Qu’est-ce qui singularise votre approche de la gestion de créances ?

B.G. : Historiquement, la société de recouvrement a été créée par la banque Delubac & Cie en 2011 pour répondre à ses propres enjeux de créances bancaires. Avec le temps, nos compétences dans ce domaine se sont étoffées et nous ont permis de proposer nos services à de nouveaux clients. Nous en avons accompagné plus de 200, avec une expertise poussée sur la partie bancaire pour laquelle nous sommes en mesure d’intervenir à la fois sur des créances civiles et commerciales. Mais avant de devenir une entité à part entière, cette activité existait déjà au sein de la banque donc, en réalité, nous nous appuyons sur plus de 30 ans d’expérience. Le fait d’être une filiale bancaire a aussi son importance car nous sommes soumis à un niveau de contrôle et de réglementation très élevé.

Pourquoi le recouvrement est-il indispensable au bon fonctionnement de l’économie ?

B.G. : Le recouvrement de créances permet aux entreprises de conserver un bon niveau de trésorerie pour mener à bien leur activité. Je compare souvent cela à une relation d’amitié : lorsqu’un ami nous prête de l’argent, il est normal de le rembourser sous peine d’engendrer une situation conflictuelle. En économie, c’est la même chose. Quand une entreprise consent à allonger un délai de règlement, via le crédit inter-entreprise, le débiteur doit s’engager à la rembourser sinon il la met en difficulté tout entachant leur confiance mutuelle. Dans ce contexte, le métier du recouvrement est capital car il rappelle au débiteur les conséquences des impayés sur les entreprises qui peuvent aller du gel de salaire pour le dirigeant au ralentissement de l’investissement en passant par des licenciements et, dans le pire des cas, des dépôts de bilan. En cas de litige, plus nous intervenons tôt, plus nous parvenons à minimiser ces impacts. Car le métier du recouvrement, c’est avant tout de la négociation et de la sensibilisation auprès des entreprises débitrices. Nous cherchons à comprendre la situation qui se cache derrière un impayé, sans jugement, et trouvons ensemble des solutions. Par exemple, nous pouvons proposer d’échelonner la dette ou intervenir pour que le débiteur de notre client se fasse lui-même payer… nous travaillons ainsi pour éviter « l’effet domino »

En d’autres termes, le recouvrement est un pare-feu de l’économie française. En s’assurant que les règles sont bien respectées, il permet à tout un écosystème de continuer à fonctionner normalement.