Pour une entreprise, le poste clients désigne l’ensemble des factures émises sur ses clients. Il comporte les créances en attente de paiement, les factures en retard de règlement et les impayés qui représentent, en moyenne, 40 % de l’actif total. Sa gestion, qui fait intervenir plusieurs activités liées au suivi, à la facturation et au recouvrement de créances, est donc essentielle à la santé financière des entreprises. Avec, comme impact direct, une amélioration de leur trésorerie et, plus largement, leur développement dans de bonnes conditions. Quelles solutions permettent d’optimiser le poste clients ? À quels besoins des entreprises répondent-elles ? Réponse avec Muriel Richard, responsable du département Gestion Crédits et Mobilisation de créances de la Banque Delubac & Cie.
Pourquoi la gestion du poste clients constitue-t-elle un enjeu pour les entreprises ?
M.R : Bien gérer son poste clients permet d’éviter des ruptures de trésorerie. Or, une entreprise a besoin de cash pour fonctionner, acheter des matériaux, des prestations de services, payer ses collaborateurs, etc. Si elle gère mal son poste clients, elle peut donc se retrouver en difficulté alors même qu’elle possède un carnet de commandes bien rempli. Dans certains secteurs, cette gestion peut aussi s’avérer plus complexe. C’est le cas, par exemple, dans le bâtiment où souvent les entreprises obtiennent une commande générale dont le règlement s’effectue en plusieurs fois. Cela nécessite alors de suivre correctement les échéanciers et de vérifier qu’il n’y a pas de retard de paiement ou d’impayé. En d’autres termes, la gestion du poste clients est directement liée à la santé financière des entreprises.
Quelles solutions permettent aux entreprises de renforcer leur trésorerie ?
M.R. : Si en 2008 la loi de modernisation de l’économie, dite LME, a fixé le délai maximal de paiement des factures entre professionnels à 60 jours calendaires, celui-ci n’est pas toujours respecté ce qui peut pénaliser lourdement une entreprise. La mobilisation du poste clients, partielle ou totale, permet alors d’y remédier en recourant à trois moyens de financement qui ont en commun d’accroître la trésorerie à court terme : l’affacturage, la cession Dailly et l’escompte bancaire.
L’affacturage consiste à céder l’ensemble des factures en attente de règlement, appelées créances clients, à un factor, c’est-à-dire à une société d’affacturage qui supporte le risque d’impayé en échange d’une commission. Concrètement, l’entreprise signe une convention avec une société d’affacturage qui réalise une opération de crédit en rachetant ses créances. Quand elles arrivent à échéance, elle va ensuite les recouvrer directement auprès des clients, à la place de l’entreprise. À noter qu’au sein même de l’affacturage, il existe une multitude de solutions comme l’affacturage avec délégation d’assurance-crédit , l’affacturage inversé aussi appelé « reverse factoring » ou encore l’affacturage confidentiel pour répondre à des situations et besoins variés.
La cession Dailly permet, elle aussi, à une entreprise de transférer ses créances à une banque. La différence est qu’elle n’est pas contrainte de céder l’ensemble de ses créances mais seulement une partie si elle le souhaite. Autre avantage, elle obtient en échange des liquidités immédiates avant même que les débiteurs aient réglé les factures. Avec la cession Dailly, l’entreprise est donc moins impactée par les délais de paiement.
Enfin, l’escompte bancaire permet d’obtenir une avance de trésorerie auprès d’un établissement bancaire via le paiement immédiat de certaines créances – les effets de commerce[1] – qui ne sont pas encore arrivées à échéance. L’établissement devient alors propriétaire des créances et se charge d’en demander le paiement aux débiteurs. C’est d’ailleurs la plus vieille méthode de crédit B2B car elle existe depuis le Moyen Âge, avec les lettres de change !
Quelles entreprises peuvent bénéficier de ces solutions financières ?
M.R. : Toutes les entreprises pour leurs activités B2B. Le choix de la solution dépend de la typologie de l’entreprise et de ses besoins. Par exemple, la cession Dailly implique de conserver la gestion du poste clients en interne contrairement à l’affacturage où elle est sous-traitée au factor. Ces deux solutions permettent de recevoir des liquidités immédiates mais la cession Dailly est plus souple à mettre en œuvre. Elle va donc être privilégiée pour des entreprises qui connaissent des difficultés financières, contrairement à l’affacturage qui s’adresse à des entreprises dont la pérennité n’est pas menacée.
À quels besoins des entreprises répondent plus spécifiquement ces solutions ?
M.R. : À de nombreux besoins :
• Optimiser les délais de paiement : Si on prend l’exemple de l’affacturage, cette solution inclut un service de relance avant la date d’échéance de la créance puis en cas de retard de paiement. Le factor a aussi des équipes dédiées au recouvrement et peut, en cas de litige, activer tous les leviers à sa disposition pour faire valoir le paiement.
• Se prémunir des incidents de paiement : pour poursuivre mon exemple sur l’affacturage, le factor possède des outils qui lui permettent de s’assurer que les factures seront bien réglées. Avant de passer un contrat d’affacturage avec une entreprise, il va également étudier sa situation financière, analyser son poste clients pour mesurer le risque, vérifier la solvabilité des créanciers et s’assurer qu’il n’existe aucun litige.
• Accéder au crédit court-terme : le crédit court-terme correspond à la mobilisation d’une créance auprès d’une banque via l’escompte ou la cession Dailly qui permettent, comme on l’a vu, d’obtenir rapidement des fonds.
• Optimiser le besoin en fonds de roulement (BFR) : maîtriser son BFR implique de bien gérer son poste clients en s’assurant, notamment, que le règlement des factures intervient bien en temps et en heure.
• Financer le développement à l’international : les pratiques commerciales ne sont pas les mêmes à l’étranger. Le plus courant est de procéder par subrogation de créances qui consiste à céder des factures dans le cadre des dispositions du code civil. Les factors peuvent aussi se rapprocher de leurs homologues présents dans d’autres pays pour qu’ils réalisent toutes les démarches nécessaires au recouvrement de créances dans le respect de la réglementation locale.
• Améliorer la présentation du bilan financier : le fait de pouvoir optimiser le poste clients et le besoin en fonds de roulement permet d’alléger le bilan financier quand les entreprises cèdent, par exemple, un gros volume de créances en fin d’année et si la cession se trouve être déconsolidante.
• Améliorer la notation financière : plus la gestion du poste clients d’une entreprise est bonne et plus sa notation financière s’améliore.
• Améliorer l’autonomie d’une filiale : si une filiale n’a pas d’autonomie de refinancement, elle doit chaque fois demander le support de sa maison-mère. En s’appuyant sur des solutions comme l’escompte, la cession Dailly ou l’affacturage, elle gagne ainsi en autonomie.
• Renforcer la trésorerie d’entreprise : confier la gestion du poste clients à une société spécialisée fait, bien souvent, progresser les entreprises sur ces enjeux. Pour pouvoir céder leurs factures, il faut en effet que ces dernières comportent bien toutes les mentions légales, qu’il y ait eu l’émission d’un bon de commande et une preuve de livraison. Pour cela, les clients sont souvent accompagnés dans la structuration de leur processus de facturation avec, à la clé, un meilleur suivi de leur trésorerie.
Finalement, pourquoi la maîtrise du poste clients est-elle essentielle au bon fonctionnement de l’économie ?
M.R. : La bonne gestion du poste clients permet de prévenir les litiges et, par effet boule de neige, les risques de défaillance d’entreprises qui peuvent entraîner dans leur chute leurs prestataires et se solder par des liquidations. En contribuant à assainir la situation financière des entreprises, la gestion du poste clients a donc, plus largement, un effet bénéfique sur l’économie dans son ensemble.
[1] Un effet de commerce est un titre négociable constatant une créance au bénéfice du porteur : il peut s’agir d’une lettre de change, d’un billet à ordre ou d’un chèque.