Selon un rapport du Sénat (2022-2023), près de 700 000 entreprises françaises seraient à transmettre dans les dix prochaines années. Pour assurer la pérennité de ces activités, des emplois et, plus largement, de l’économie française, les dirigeants doivent anticiper la cession de leur entreprise. Tour d’horizon des acteurs, modes de transmission et dispositifs sur lesquels ils peuvent s’appuyer pour préparer au mieux ce moment clé avec Fabrice Ramelli, Directeur de l’activité Corporate & Investment Banking de la Banque Delubac & Cie.
Comment expliquez-vous qu’autant d’entreprises, tous secteurs confondus, seront à céder ?
F.R. : Depuis vingt ans, nous assistons à un vieillissement de la population des dirigeants d’entreprises. Créer une entreprise prend du temps et il en faut également pour la faire grandir ce qui explique qu’aujourd’hui, toute une génération d’entrepreneurs a plus de 65 ans. Du fait, bien souvent, d’un attachement très fort à l’entreprise, ils ont aussi tendance à prendre leur retraite plus tard tout en ayant à cœur de trouver un repreneur qui poursuivra leur œuvre. Ces deux facteurs combinés expliquent pourquoi autant d’entreprises seront à reprendre dans un futur proche.
Les entreprises à reprendre ne manquent pas… Comment expliquer que le marché de la cession-reprise soit en difficulté ?
F.R. : Il faut distinguer le marché global des fusions-acquisitions de celui des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et des petites et moyennes entreprises (PME). Si le premier accusait une baisse de près de 20 % en France au premier semestre 2025, le second reste dynamique. D’autre part, ces difficultés sont à nuancer selon la taille des entreprises. Il faut, en effet, pouvoir financer une reprise. Quand on est une petite entreprise ou une start-up, on peut se tourner vers des acteurs bancaires traditionnels ou des proches pour trouver des sources de financement. Et quand on est une ETI, vers des fonds d’investissement et des acteurs du Private Equity. En revanche, pour toutes les entreprises qui n’ont pas atteint ce seuil critique mais ont dépassé celui de la start-up, trouver des financements est plus complexe. Par extension, elles auront aussi plus de difficultés à trouver des repreneurs même si elles peuvent se faire accompagner pour cela par des acteurs comme la Banque Publique d’Investissement (BPI) ou des conseillers financiers. À la Banque Delubac & Cie, nous les aidons par exemple à trouver des repreneurs potentiels, faisons l’interface avec de nombreux acteurs du monde bancaire et non bancaire et, plus largement, leur proposons des solutions adaptées à leurs problématiques.
« Pour toutes les entreprises qui n’ont pas atteint ce seuil critique mais ont dépassé celui de la start-up, trouver des financements est plus complexe. Par extension, elles auront aussi plus de difficultés à trouver des repreneurs. »
Que se passerait-il si ces entreprises venaient à disparaître ?
F.R. : Les impacts seraient énormes sur l’économie et la société françaises. Une entreprise qui met la clé sous la porte, c’est une perte d’emplois, de savoir-faire et de souveraineté avec, également, le risque pour les autres sociétés qui dépendent de son activité de se tourner vers des fournisseurs étrangers. Heureusement, avant d’en arriver là, il existe différents moyens pour transmettre son entreprise dans de bonnes conditions !
Quels sont, justement, les différents modes de cession d’entreprise et leurs spécificités ?
F.R. : Il en existe plusieurs dont le choix est à la discrétion du chef d’entreprise :
– La transmission familiale représente 20 % des opérations et se traduit, dans la plupart des cas, par l’arrivée d’un des enfants du dirigeant à la tête de l’entreprise. La phase de passation est alors indispensable pour assurer une transition en douceur et adapter la stratégie de l’entreprise sans renier son héritage familial.
– Le Manager Buy-Out (MBO) : dans ce cas, l’entreprise n’est pas reprise par un membre de la famille mais par plusieurs managers, cadres ou salariés. Le dirigeant a alors l’assurance de passer le flambeau à des personnes qui connaissent la culture, le fonctionnement et la stratégie de l’entreprise, ce qui permet une continuité quasi immédiate de l’activité et donc une plus grande stabilité. En revanche, le MBO requiert des financements importants car les repreneurs doivent racheter les parts du fondateur pour acquérir une participation majoritaire ou totale. Ainsi, ce type de transaction est souvent réalisé en partenariat avec des acteurs financiers comme des banques ou des fonds de capital-investissement.
– Le Leveraged Management Buy-Out (LMBO) : variante du MBO, les salariés, cadres ou managers réalisent cette fois un emprunt pour financer l’acquisition de leur entreprise. Cela présente un double avantage : réduire la part de fonds propres à apporter dans le montage financier et cibler des entreprises de taille plus importante.
– La fusion : le dirigeant peut aussi décider de fusionner tout ou une partie de l’activité de son entreprise pour accélérer, par exemple, son développement dans son secteur. Au sein de l’entité nouvellement formée, il conserve également une participation qu’il peut choisir de revendre en plusieurs fois aux autres actionnaires – ce qui lui permet de quitter progressivement l’entreprise, à son rythme.
– La cession : enfin, la dernière possibilité est la vente à un tiers de l’entreprise dans le cas, notamment, du repreneuriat.
Que peuvent faire les chefs d’entreprise pour préparer la cession de leur société ?
F.R. : Le maître mot est l’anticipation. Tous les modes de cession que je viens d’évoquer prennent du temps, car il faut, entre autres, identifier les bons profils, monter le plan de financement, négocier avec différents partenaires avant que l’entreprise soit finalement cédée. La phase de passation ne doit pas non plus être négligée. Dans le cas d’un MBO ou d’un LMBO, le chef d’entreprise doit par exemple commencer à déléguer certaines tâches à ses successeurs jusqu’à ce que ces derniers soient en mesure de reprendre pleinement les rênes de la société. Quand les repreneurs sont externes, il faut aussi les aider à comprendre le fonctionnement de l’entreprise, sa gestion quotidienne et sa culture.
« Le maître mot est l’anticipation. Tous les modes de cession que je viens d’évoquer prennent du temps car il faut, entre autres, identifier les bons profils, monter le plan de financement, négocier avec différents partenaires avant que l’entreprise soit finalement cédée. »
Sur quels dispositifs les repreneurs potentiels peuvent s’appuyer pour favoriser le succès d’une transmission ?
F.R. : Il existe de nombreux dispositifs. La BPI a par exemple développé un prêt transmission qui permet de financer la transmission du capital d’une entreprise ou son acquisition par un ou plusieurs actionnaires. Les banques sont aussi des partenaires indispensables qui peuvent proposer des prêts ou des solutions adaptées. Pour n’en citer qu’une, le crédit vendeur correspond à une offre de paiement échelonné d’une partie du montant de la cession consentie par le cédant. Il aide ainsi le repreneur qui rencontre des besoins de trésorerie à faciliter le bouclage de son financement.
Comment la Banque Delubac & Cie accompagne-t-elle ses clients dans leurs enjeux de transmission ?
F.R. : L’activité Corporate & Investment Banking a pour vocation d’accompagner les clients de la banque dans tous leurs projets stratégiques. La transmission de leur entreprise en fait, bien sûr, partie. De l’amont à la cession, notre rôle est pluriel : nous les conseillons sur les différents modes de transmission, identifions des repreneurs potentiels, facilitons la prise de contact et les échanges avec de nombreux acteurs, préparons la documentation dont la société a besoin en vue de sa cession (mise à jour du plan d’affaires, etc.) et proposons aussi un accompagnement au long cours, car ce type d’opération prend du temps. Pour résumer, une transmission réussie repose sur l’anticipation, une bonne préparation et le fait de pouvoir s’appuyer sur un conseil financier de confiance !